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Entretien avec Racquel Moses, ambassadrice mondiale des Nations Unies pour représenter les Caraïbes à la COP26

Racquel Moses, originaire de Trinidad et Tobago, directrice générale de l’Accélérateur climato-intelligent des Caraïbes (CCSA), a récemment été nommée ambassadrice mondiale des Nations unies pour représenter les Caraïbes à la COP26. Elle nous parle du sommet, de la façon dont le CCSA peut contribuer à accélérer l’action climatique et bâtir des sociétés et des économies plus résilientes dans les Caraïbes.

 

Quelles sont les enjeux clés de votre participation à la COP26 et vos sentiments à quelques jours de la fin du sommet ?

Le premier enjeu est celui d’une plus grande action climatique. Nous voulons voir davantage d’actions, tout autant que nous avons besoin de nouveaux engagements. Nous avons également besoin d’une plus grande action sur les engagements qui ont été pris. Nous plaidons en faveur d’un meilleur accès au financement, en particulier au financement attribué à l’adaptation. Nous recherchons à la fois des financements concessionnels et des subventions, car de nombreux projets dont nous avons besoin nécessiteront ce type de financement. Nous ne pouvons pas continuer à contracter des prêts pour résoudre un problème que nous n’avons pas créé. Nous avons également apporté à la COP un tableau de bord de la résilience que nous avons développé dans le cadre d’un groupe de travail avec l’initiative Island Resilience Action Challenge (IRAC) et nous voulons en faire un modèle de mécanisme pour attirer des fonds vers des actions d’adaptation et de renforcement de la résilience. Enfin, nous nous efforçons de trouver des financements pour les projets que nous avons dans notre portefeuille. Nous avons rencontré des pays ainsi que différents innovateurs et fournisseurs potentiels afin de développer de nouveaux projets et de leur trouver des financements. Les Nations unies ont maintenant indiqué qu’elles s’engageraient à suivre les actions découlant des engagements pris, une nouveauté importante qui permettra de s’assurer que les engagements sont tenus. Aujourd’hui, nous avons rencontré le président Obama et il a approuvé cette position. Les engagements doivent faire l’objet d’un suivi afin d’encourager d’autres actions. Nous sommes donc pleins d’espoir et incroyablement optimistes. Nous avons également constaté une plus grande participation du secteur privé, ce qui crée une dynaique de changement que rien ne pourra arrêter. Mais ce que nous avons dit tout au long de cette COP, c’est que la seule option est le succès ou davantage de succès. Et même si nous n’obtenons pas exactement ce que nous voulons, nous continuerons à faire pression jusqu’à ce que nous y parvenions, c’est-à-dire davantage de financements et d’actions climatiques, parce qu’il n’y a pas d’autre option.

Pouvez-vous nous présenter le Caribbean climate-smart accelerator, ses objectifs et les résultats obtenus à ce jour ?

L’accélérateur été créé l’an dernier, et conceptualisé après la saison des ouragans de 2017. Notre mission est d’aider les Caraïbes à atteindre les objectifs de l’accord de Paris et à établir une zone résiliente plus rapidement. Et nous le faisons en créant des économies d’échelle, en nous réunissant sur des projets particuliers. En créant des projets plus importants, nous avons la capacité d’attirer des financements. La deuxième chose que nous faisons est de construire des instruments de financement mixte ou de proposer des mécanismes financiers innovants et cela peut aider à réunir des projets et des fonds. En matière d’innovation, nous travaillons avec d’autres accélérateurs et entrepreneurs, afin de proposer de nouvelles solutions. Et enfin, nous sollicitons le secteur privé pour concrétiser certains projets. A travers ces cinq dimensions, nous avons créé un projet régional de réhabilitation des mangroves, qui a la capacité d’attirer des financements. Nous travaillons actuellement sur deux instruments financiers différents : l’un est un Fonds pour l’énergie solaire et l’autre est un modèle d’évaluation des services écosystémiques qui peut contribuer à canaliser des fonds dans les îles pour des projets de conservation. Dans le domaine de l’innovation, nous avons mis au point un tableau de bord de la résilience qui permet de faire correspondre les projets (ou les financements) avec la philanthropie disponible, afin de déterminer quelles sont les zones les moins ou les plus résilientes, puis d’examiner les projets dans plusieurs pays et de déterminer si les fonds vont par exemple servi à développer des énergie renouvelables ou encourager l’indépendance énergétique, etc. Nous cherchons actuellement un investisseur pour construire une installation d’assemblage de panneaux solaires à Trinidad et Tobago et, enfin, nous avons un projet pilote de cultures sous serre en Jamaïque auquel nous associons le secteur privé pour acheter les produits de ces cultures, l’objectif étant de répliquer ces cultures sous serres dans les villes. Nous avons travaillé sur plus de 62 projets, dont 12 sont actuellement mis en œuvre.

Les petits États insulaires en développement sont souvent présentés comme des bancs d’essai potentiels pour l’innovation. Êtes-vous d’accord avec cette idée et pourquoi ?

Absolument, car nous avons la possibilité d’être suffisamment petits pour tester certaines taxations et mises en œuvre à l’échelle. De nombreux travaux sont en cours pour déterminer à quoi ressemble un transport 100 % décarboné à l’échelle, et les deux pays qui s’y intéressent sont les Bermudes et la Barbade. Si cela est possible, nous pourrons déterminer quels types d’incitations ou de mesures dissuasives sont nécessaires et comment un pays peut mettre en place un système de transport 100 % décarboné. C’est certainement quelque chose que nous pouvons piloter dans la région et déployer comme modèle dans le reste du monde.

Quel message souhaitez-vous délivrer à l’occasion de la journée mondiale de la science pour la paix et le développement ?

Le message est que tout est dans les données et que nous ne devons pas les quitter des yeux. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être distraits à ce stade. Toutes les choses qui doivent se produire, les engagements pris d’ici à 2030, ces actions doivent avoir lieu maintenant ! Et nous devons utiliser la science et les données pour suivre ces actions jusqu’à leur réalisation.