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COP26, un bilan mitigé

Qualifiée de “sommet décisif”, voire de “réunion de la dernière chance”, la 26ème Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26) n’a pas réussi à constituer le tournant pour l’humanité que la société civile et les scientifiques espéraient, mais a apporté quelques changements notables dans la lutte contre le dérèglement climatique.  Retour sur les principaux résultats de la COP26 et sur le chemin qu’il reste à parcourir pour éviter les pires impacts de la crise climatique.

 

L’objectif de 1,5°C est “sous respirateur artificiel”. Cette formule un peu choc utilisée par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, résume bien la COP26, qui a réuni quelque 30 000 personnes à Glasgow (Écosse) et s’est achevée samedi 13 novembre avec plus d’un jour de retard.  Lors d’une réunion plénière samedi, la plupart des pays, tout en exprimant leur “déception”, ont estimé que le “pacte climatique de Glasgow” remplit le mandat de la COP de “maintenir en vie” l’objectif de ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, la limite la plus ambitieuse fixée par l’accord de Paris de 2015 sur le climat. Ces décisions contiennent “des avancées concrètes et des mesures très claires pour nous mettre sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris”, a déclaré Alok Sharma, le président de la COP26, soulignant la difficulté de trouver un consensus entre 196 pays. Le pacte demande aussi aux pays de revoir à la hausse leurs engagements climatiques dès la fin de 2022 – soit bien avant la date de 2025 initialement prévue par l’accord de Paris, et “autant que nécessaire pour s’aligner” sur le traité international. Toutefois, cette révision doit se faire “en tenant compte des différentes circonstances nationales”, ce qui ouvre la voie à des ajustements pour certains pays.

 

Avancées les plus notables

– Jamais une conférence sur le climat ne s’était attaquée aussi frontalement aux combustibles fossiles. Pour la première fois, les nations sont appelées à “éliminer progressivement” le charbon et les subventions aux combustibles fossiles dans un texte de la Cop. Même si la formulation de l’intention d’abandonner le charbon a été édulcorée, passant d’une “élimination progressive” à une “réduction progressive”, c’est la première fois qu’une telle résolution est prise dans le cadre du processus climatique des Nations unies. Une autre avancée à noter est l’Alliance “Beyond Oil and Gas” (BOGA) menée par le Costa Rica et le Danemark. En devenant membres de cette alliance, la première du genre, douze gouvernements nationaux et infranationaux s’engageront à mettre fin aux nouveaux cycles d’octroi de licences pour l’exploration et la production de pétrole et de gaz. Ils doivent également fixer une date de fin de la production et de l’exploration pétrolière et gazière qui soit conforme aux objectifs de l’Accord de Paris.

– Deux autres alliances, comprenant chacune une centaine d’Etats, ont décidé de mettre fin à la déforestation d’ici 2030 et de réduire de 30% les émissions mondiales de méthane, un puissant gaz à effet de serre, entre 2020 et 2030.

– Un accord a été trouvé sur l’épineuse question du fonctionnement des marchés internationaux du carbone. De nouvelles règles ont été élaborées pour l’échange des émissions de CO2 entre les pays et un nouveau marché international du carbone a été créé. Cependant, la société civile s’inquiète des failles qui pourraient compromettre la lutte contre le changement climatique.

 

Frustrations

– Si 150 pays ont soumis de nouveaux engagements climatiques à l’ONU avant ou pendant la COP26, comme l’exige l’Accord de Paris, tous ne sont pas plus ambitieux que les précédents, datant de 2015. Sur la base de ces plans, la planète se dirige vers un réchauffement de 2,7°C d’ici la fin du siècle. Les promesses à plus long terme de passer à des émissions nettes nulles, notamment de la part de l’Inde, pourraient peut-être limiter le réchauffement à 1,8°C d’ici la fin du siècle, mais elles ne sont pas suffisamment concrètes pour être crédibles. Et 1,8°C signifie toujours une immense souffrance pour les populations et la planète.

– Les négociations n’ont pas non plus permis de progresser suffisamment sur la question cruciale du financement, qui est le moteur de l’action climatique. Les pays riches n’ont toujours pas tenu leur promesse, faite il y a douze ans, de mobiliser 100 milliards de dollars (87 milliards d’euros) par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement à investir dans les technologies vertes et autres efforts de réduction des émissions, et à s’adapter aux impacts de la crise climatique.Les textes prévoient toutefois que les pays développés doublent, d’ici 2025 par rapport à 2019, l’aide spécifiquement consacrée à l’adaptation aux effets du changement climatique, une demande des pays en développement. Aujourd’hui, seuls 25% des fonds vont à l’adaptation, contre 65% à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que les pays en développement contribuent peu à cette dernière. La majorité des fonds sont également des prêts et non des subventions, ce qui exacerbe la crise de la dette dans ces pays.

– Les pays pauvres ont également été déçus par le pacte, qui, selon eux, ne répond pas à leurs préoccupations concernant les “pertes et dommages“, c’est-à-dire les destructions déjà causées par les vagues de chaleur, les tempêtes et les inondations sur les vies, les moyens de subsistance et les infrastructures, qui frappent désormais les pays vulnérables bien plus durement et plus fréquemment que prévu. Les pays vulnérables et pauvres, qui n’ont guère contribué à la crise climatique, sont arrivés avec la détermination d’obtenir des nations riches qu’elles s’engagent à les indemniser pour ces dommages. Selon les estimations de l’organisation caritative Christian Aid, ces dommages pourraient représenter un cinquième du PIB de certains pays pauvres d’ici 2050. Mais les nations riches ont été réticentes à convenir d’un mécanisme de financement des pertes et dommages, en partie parce que le débat a été formulé en termes de “compensation” et qu’elles craignent de s’exposer à des responsabilités financières illimitées.

Ces derniers résultats vont à l’encontre des attentes élevées exprimées précédemment par l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP). Dans une déclaration conjointe des dirigeants de l’OEACP sur l’action climatique en vue de la COP26, les États membres de l’Organisation ont rappelé qu’ils étaient les principales victimes du changement climatique alors qu’ils contribuent de manière insignifiante aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Et qu’il était crucial d’augmenter de manière significative le financement climatique pour soutenir les actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement. “Nous réitérons que les pays développés doivent honorer leur engagement à fournir un financement climatique accru, nouveau et supplémentaire, sous forme de subventions plutôt que de prêts, ainsi qu’un transfert de technologies et de connaissances et un soutien au renforcement des capacités pour permettre aux États membres de l’OEACP d’atteindre leurs objectifs climatiques (…).”

 

Lire la Déclaration complète des dirigeants de l'OEACP pour la COP26